MY DRAMATIC STORY

'CAUSE I'M NOT MISTER NOBODY.

J’ai toujours cru que les loups garous étaient à l’image des contes pour enfants. Poilu, semblables à de vrais loups. Je me trompais. Seul le côté sanguinaire restait à travers les mensonges. Et encore, je crois que jamais je n’aurais pu imaginer la portée de ce qu’être loup garou signifiait. Mais peut être devrais-je commencer par le début.



« Elena, passez-moi la seringue, vite ! »
Hébétée, je regardais le docteur tenir le corps affaiblit du petit africain. Il devait être à peine âgé de deux ans, mais la faim avait déjà modifié son corps, rendant son ventre aussi rond que sa tête. Ses membres décharnés ressemblaient plus à des branches asséchées qu’à des bras et jambes. En silence, je donnais au docteur responsable la seringue. Tout cela remonte à longtemps, mais le petit corps, décédé finalement quelques jours plus tard, à été mon premier contact avec l’humanité qui avait besoin d’aide.

J’étais médecin, avant. Toujours fidèle aux rendez-vous du don de sang et aux quêtes pour les plus démunis, c’était tout naturellement que je m’étais tournée vers la médecine sans frontière. Armée de ma seule conviction, j’étais persuadée que je pouvais changer le monde en deux coups de scalpel et quelques prescriptions. Comme je m’étais trompée ! Très vite, l’horreur me sauta aux yeux. Les famines, les guerres, la criminalité. Je me souviens encore d’une adolescente qui arrivait vers moi pleurant toutes les larmes de son corps. Violée par un groupe de résistants, ils l’avaient laissée stérile et porteuse du VIH. Elle s’était suicidée deux semaines après. L’Afrique restera sans doute la période la plus marquante de ma vie. Pourtant, malgré tout, elle reste la moins ensanglantée. Je m’étais permis une brève relation avec ce docteur en chef, dont je parlais. Hugo Van Der Bilt, de son nom, 45 ans. C’était plus une soupape pour évacuer la pression qu’une véritable affection. Aujourd’hui, il me faudrait une vingtaine d’amants si je devais me calmer de la même manière. Après cinq années de service à la population africaine, je rentrais chez moi, dans l’Illinois. Avec une irrésistible envie d’y retourner. Si ma mission s’arrêtait, ce n’était pas le cas de la vie des milliers d’habitants que je pouvais encore aider. Comme je n’avais pas de pied-à-terre, ce furent mes grands parents qui m’accueillirent. Mes parents étaient morts depuis longtemps, dans un accident de voiture. Enfin, ne nous attardons pas là-dessus. Je n’avais donc qu’une envie, m’enfuir de cette ville que je trouvais un peu trop tranquille, trop éloignée de la réalité du monde. Je profitais pourtant de cette escale forcée pour faire des rencontres.

C’est dans un bar pas très bien famé que je rencontrais l’homme que j’allais haïr de toute mon âme. Je m’étais laissé séduire par sa dentition parfaite, ses sourires charmeurs, son regard de braise. Inutile de vous préciser que nous avons terminé au lit. Enfin, ce n’est pas vraiment le cas. Je sens encore son souffle le long de ma gorge, ses baisers sur ma poitrine, et finalement la brûlure d’une morsure sur mon flanc. Je ne sais pas pour qu’elle raison, mais il est partit en courant une fois son méfait accomplit. Je ne compris pas tout de suite ce qu’il se passait. Ce n’est qu’en me relevant que je compris que la morsure n’avait rien d’humain. C’est cette nuit là que je suis devenue cette horreur.




Chancelante, je me suis levée du lit, mon sang inondant les draps et parcourant ma peau halée par le soleil africain. Je crois que j’ai eu un peu de fièvre, ainsi que cette impression de soif tenace, de faim dévorante. Une faim de loup, c’était dire. Je rentrais chez mes grands parents, les membres secoués de spasmes. Ma première hypothèse fut que j’avais attrapé la rage. Mais très vite, mes facultés de perception augmentèrent. Dans la pénombre, je distinguais mieux les choses, mon odorat était amélioré. Mon dernier souvenir de cette nuit là est la vision de mon corps en mutation dans une flaque d’eau. Sur mes mains, mes ongles grandissaient à vue d’œil, de même que mes dents, pour former de véritables rasoirs. Puis ce fut le noir complet.

Je me suis réveillée dans la cuisine de mes grands-parents, un couteau planté dans le bras. Je l’arrachais douloureusement avant de m’apercevoir du carnage. A quelques mettre de moi gisaient les corps sans vie de ma seule famille. Enfin, je le supposais. Ils étaient méconnaissables. Le ventre ouvert, je notais qu’il leur manquait le cœur, ainsi que d’autres morceaux de chairs. Leurs visages avaient été lacérés. J’aurais voulu hurler, mais la raison m’en empêcha. Dans le reflet du four, je voyais sur le long de ma gorge et autour de ma bouche un filet de sang. Je me précipitais dans la salle de bain pour une grande toilette. Armée de ma trousse à pharmacie, je me recousais le bras. J’avais vu pire, certes, mais la douleur était plus que supportable, ce qui m’étonna un peu. Dans un sac à dos de safari, je réunissais les quelques affaires qui m’appartenaient : des vêtements, un livre de médecine douce et un médaillon contenant la photo de mes parents. Et je quittais la maison familiale sans un regard vers l’arrière.

J’ai tenté de vivre une vie normale. Il était évidemment hors de question que je retourne en Afrique. Alors j’ai vagabondé de villes en villes. C’est dans ces moments là que j’ai entendu toutes ces rumeurs sur les démons et les créatures. Je n’avais pas franchement le choix d’y croire. Chaque matin qui suivait une pleine lune, je me retrouvais les mains et la bouche tâchées de sang. Après quelques recherches, je me devais d’accepter ma condition de loup garou… Mais et puis quoi encore ? J’ai rencontré quelques chasseurs, qui apparemment ne voulaient pas entendre ma version des faits. Je crois que j’en ai tué quelques uns. Si seulement j’avais pu… ne pas en arriver là… J’ai alors décidé de me comporter en humaine et de m’enfermer les soirs de pleine lune. Parfois, j’arrivais à m’échapper de ma cage. J’ai d’ailleurs perdu le pare brise de ma voiture, comme ça… Mais je m’en fiche, j’ai perdu bien plus que cela. Je commençais donc à avoir un semblant de vie normale. Mais les démons, les anges et d'autres forces dont je me fichais jusque là en décidèrent autrement.



Lorsque les humains ont commencé à fuir les créatures, je les ai suivis. Non pas comme une prédatrice, mais bien comme une des leurs. Le groupe que j'accompagnais m’apportait un semblant d’humanité. Grâce à mon statut de docteur, je devins rapidement un personnage central, soignant les petits bobos comme les grandes blessures. Il m’est même arrivé de soigner des chasseurs de passage. J’eus un grand soulagement en m’apercevant que je restais inébranlable face au sang dans ma forme humaine. Malheureusement, je ne suis pas restée longtemps. A la première pleine lune, plusieurs de mes camarades ont étés tués. Au petit matin, lorsque j’ai repris conscience, cinq corps gisaient devant moi. Trois ne respiraient plus, les deux autres pouvaient à peine bouger. J'étais condamnée. Je reconnu le visage de celui dont j'avais recousu la jambe. Il avait même tenté de me faire de la drague. Et je l'avais tué...Le cocon que je m’étais formé se disloquait sous mes yeux avec l’arrivée des habitants du camp. Il était évident que j’étais l’unique coupable. Recroquevillée dans un coin, je ne bougeais pas un poil. C’est là qu’Ils se sont approchés. « On t’emmène ». Je ne voulais pas. Alors j’ai commencé à me battre, avant qu’une masse ne me tombe sur la tête et m’assomme.

Lorsque je me suis réveillée, je ne reconnu rien. Je devinais aisément à l’odeur que quelques humains nous accompagnaient, mais pas dans le meilleur des états. J’avais les mains liées et autour de moi se pressaient une dizaine de loups garous. Celui que je pris pour le chef se pencha vers moi, en me murmurant qu’il ne servait à rien de combattre la bête, qu’il valait mieux la laisser parler.

« Je ne suis pas une bête » lui crachais-je au visage.

« Peux-tu alors expliquer le carnage qui s’est déroulé sous ta tente ? Et pourquoi tu es devenu plus forte, plus résistante ? Tu t’es demandé ce que tu faisais les soirs de pleine lune, alors que tu ne te souviens plus de rien ? »

Je restais silencieuse. Evidemment, je le savais, mais me sortir la vérité toute crue me mettait mal à l’aise.

« Tu tuais, comme tu tueras, comme tout ceux qui sont là tuent et tueront. Tu es l’une des notre, pas la peine de te mentir. Alors, comme toute créature, tu serviras les intérêts de notre Mère. »

« Si je suis vraiment comme vous, autant que vous me détachiez, non ? »

J’avais cessé de me débattre et un sourire entendu flottait sur mes lèvres. A quoi bon combattre ? Ils étaient nombreux, et forts. J’avais perdu une fois, la prochaine j’utiliserais ma ruse. J’étais assez informée pour comprendre que la Mère dont ils parlaient était Eve. Et je ne faisais pas vraiment partie de ses suiveurs, trop attachée à l’humanité, trop dégoutée par ma condition.

« Tu vas vraiment nous suivre ? »

« Est-ce que j’ai le choix ? »

Ils défirent mes liens. Et c’est à ce moment là que je compris que j’allais devoir lutter jusqu’à la mort pour ne pas sombrer dans la folie de mes pairs. Mais pour l’instant, je me contentais d’écouter ce que l’on me disait.

Je ne me rebellais que lorsqu’ils exigeaient de moi de la cruauté, et ils me le reprochaient souvent. Ils me mirent même sous la surveillance d’un des leurs, même s’ils ne m’en dirent rien. Je n’avais compris cela que lorsque je remarquais ses yeux bleus partout où j’allais. Qu’allais-je devenir ? Etais-je condamnée à être le gentil toutou obéissant, à obéir à un maître que je n’approuvais pas ?

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